En
cette journée de « Nuit des idées » (voir ci-dessous), il est temps
de souhaiter la bonne année !
Pour
cette année, nous promettons des idées en pagaille, mais aussi des partenariats
et collaborations (avec des entrepreneurs.euses, chercheurs.euses,
collectivités territoriales, ESS…), des webconférences, ateliers, des
séminaires, des plateformes (réseaux sociaux Facebook, LinkedIn, YouTube, site internet, plateforme Bien-vivre Maintenant)…
Les idéaux ne tarderont pas à se matérialiser et ne resteront pas dans la nuit !
Voici
notre dernière tribune :
Nous
allons en parler ce soir à 17h ici (Il faut s’inscrire !) :
Bonne
Année !!!!
Anne
Barbarin, Jean-Yves Besombes, Agathe Brenguier, David Courpasson, Benjamin Desforges,
Marc Desforges, Virginie Desforges, Cécile Ezvan, Aurélie Legrand, Camille Morel,
Sebastien Poulain, Elodie Prouvost Dusart, Sandrine Tobie, Anne Vicente
Évaluer la contribution des entreprises au bien vivre dans les territoires
Évaluer la valeur extra-financière de la contribution des entreprises à leur territoire est un sujet abordé par de nombreux économistes qui préconisent depuis longtemps la construction et l’utilisation d’indicateurs basés sur l’utilité sociale de la croissance. C’est un thème déjà présent dans Territoires & Innovations et auquel Crois/Sens réfléchit depuis longtemps. La sortie de l’APP Territoire d’Innovation de Grande Ambition de la Caisse des Dépôts, qui impose aux candidats de proposer des critères d’évaluation de leur projet qui se doivent d’aller plus loin ceux de la réussite économique, nous a conforté dans cette idée. Lors de ce deuxième séminaire du collectif Smartcitizen, Cécile Ezvan et Cécile Renouard nous ont présenté l’Indicateur de capacité relationnelle comme outil pour évaluer la contribution des entreprises au lien social. Cet indicateur est le fruit de plusieurs années de recherche au sein du laboratoire CODEV et de plusieurs contrats avec des multinationales comme Danone, Total, Veolia ou Michelin. Ces collaborations de recherche manifestent l’intérêt de la part de grands acteurs économiques de réfléchir à leur impact sur les territoires où elles développent leur activités, et sur les communautés locales habitant à proximité des sites de production.
Séminaire du 19 septembre 2017 du Collectif SMARTCITIZENS
A partir des travaux menés au Nigéria, au Mexique et en France sur la mesure de l’impact social des entreprises, Cécile Renouard et Cécile Ezvan ont présenté l’indicateur de capacités relationnelles (relational capability index), construit par leur équipe CODEV de l’ESSEC, et inspiré de l’approche par les capacités. L’approche par les capacités, lorsqu’elle est reprise et affinée par l’économiste Amartya Sen et la philosophe Martha Nussbaum vise à dénoncer une mesure de la qualité de vie fondée sur une métrique strictement monétaire, et prône la prise en compte de données complémentaires, comme les opportunités sociales, le choix ou la qualité des relations, clés pour le développement des territoires. Cet éclairage relationnel pertinent est tant pour réfléchir à la participation des citoyens et à l’innovation sociale dans l’optique du bien vivre ensemble, qu’à la mesure de la contribution sociale et sociétale de l’entreprise à l’échelle d’un territoire donné (quartier, village, ou territoire plus large avoisinant un site de production ou une entreprise). Ces travaux apportent des éléments pour distinguer les projets qui contribuent à un développement du territoire à long terme en termes économique, mais aussi socio-culturel et environnemental.
Depuis, nous nous sommes inspirés de cet ICR pour concevoir avec Cécile Ezvan nos propres indicateurs d’évaluation de l’impact des projets de bien-vivre sur les territoires. Composé de 7 indicateurs composites, dont 2 sont construits de façon participative avec les citoyens des projets en question, notre système d’évaluation se veut contraignant à destination des projets que Crois/Sens accompagne ou finance. Confiée à des cabinets indépendants et à des chercheurs, l’évaluation de l’impact des projets se fera en toute transparence. L’objectif étant qu’en se fixant des objectifs ex-ante, il deviendra plus facile de les réaliser et donc de les évaluer ex-post. En outre, le respect de ces critères devraient permettre aux projets que nous accompagnons de bénéficier de financement ESUS.
Cécile Renouard est philosophe. Elle enseigne aux Facultés jésuites de Paris-Centres Sèvres, à l’École des mines, à Sciences Po et à l’ESSEC où elle dirige le programme de recherche « CODEV – Entreprises et développement ». Elle a publié plusieurs ouvrages en lien avec les thématiques du collectif SmartCitizens : L’entreprise au défi du climat (avec F. Baule et X. Becquey, Atelier, 2015), 20 Propositionspour reformer le capitalisme (codirigé avec G. Giraud, Flammarion, 2009, 2ème édition, 2012), Michael Walzer. L’art libéral du civisme (Temps Présent, 2010), Un Monde possible. Les acteurs privés face à l’injustice (Seuil, 2008), La Responsabilitééthique des multinationales (PUF, 2007).
Cécile Ezvan est philosophe et économiste. Elle enseigne à l’ESSEC et à l’ICP. Chercheure associée à l’ESSEC, elle travaille sur la transformation des modèles économiques, l’innovation sociale et écologique et le bien vivre au travail.
Avant d’entamer ses travaux de recherche, Cécile a accompagné des entreprises et des collectivités territoriales en tant que consultante en stratégie chez Roland Berger puis CMI.
Elle a terminé une thèse de philosophie sur la valeur du travail et le développement humain, à partir de l’approche par les capacités et d’études terrain.
RENOUARD Cécile, EZVAN Cécile & LHUILLIER Hélène, « Measuring relational capabilities: a relational view of the firm », in A Relational Approach to Stakeholder Engagement: A research anthology. Edited by A. Lindgreen, F. Maon, J. Vanhamme, B. Palacios Florencio, C. Strong, and C. Vallaster, Ashgate, 2018, forthcoming.
RENOUARD Cécile & EZVAN Cécile (2018). Corporate social responsibility towards human development: A capabilities framework. _Business Ethics: A European Review_ 27 (2):144-155.
Cécile Ezvan et Camille Morel
Evaluer la contribution des entreprises au bien vivre dans les territoires
Loi Pacte et évaluation du bien-vivre au Forum international pour le bien-vivre de Grenoble
C’est un objectif fondamental de Crois-sens : trouver un moyen de faire une évaluation du bien-vivre.
Marc Desforges (Président de Crois-sens), Camille Morel (chargée de recherche) et Sandrine Tobie (entrepreneuse du bien-vivre à Lyon) étaient justement présents au Forum international pour le bien-vivre de Grenoble du 6, 7 et 8 juin dont le sous-titre était « Richesse, bonheur : quels indicateurs pour inventer demain ? » et le programme extrêmement riche peut être retrouvé ici.
2 vidéos de présentation du forum :
Plus précisément, ils ont participé à un atelierintitulé « Vers la paix économique : quand le social et l’environnemental ne sont plus des « à côté » de la production » qui faisait partie de « Parcours 3 : Coopérer, définir collectivement ce qui compte, agir pour transformer. » de 11h00-12h30 puis 13h30-15h45 le 8 juin 2018 dont voici la présentation :
« Placer l’intérêt des générations futures au cœur de l’activité des entreprises, évaluer leur contribution aux besoins des populations, tisser le lien entre changement individuel et changement social à partir de l’exemple du BNB, devenir un acteur positif de son environnement : voilà les axes qui guident aujourd’hui la manière de penser l’entreprise pour les participants de cet atelier.
Ce « carrefour des expériences » mobilisant des acteurs socioéconomiques de différents horizons permettra aux participants d’assister à 3 témoignages sur les 4 proposés et d’échanger autour de réalisations concrètes visant à penser différemment la contribution productive au bien commun. Pourquoi produire et de quelle manière ? Comment intégrer au cœur de l’activité d’autres logiques d’action et d’évaluation ? »
Les intervenant.e.s étaient :
Sylvain Boucherand, B & L évolution qui conseille les entreprises, collectivités et campus dans leur démarche de durabilité, et plus particulièrement sur les stratégies d’Innovation et création de valeur, démarches RSE, ODD, Énergie, Biodiversité et dialogue parties prenantes.
Anne Della Vecchia & Delphine Delanaoy, Fabrique Spinoza qui est un « think-tank économique et politique multi-partisan dont la mission est de redonner au bonheur sa place au cœur de notre société »
Marc Desforges, Crois-sens.org
Edouard Payen, Centre BNB France qui réfléchit principes du Bonheur National Brut
Les animateurs.trices étaient :
Hugues Poissonier et NhuTuyen Le qui font partie de la chaire Mindfulness, bien-être au travail et paix économique de la ComUE Grenoble Alpes
Il a été largement question du projet de loi PACTE : Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises. Rappelons que l’examen de ce projet de loi a débuté le mercredi 5 septembre 2018 à l’Assemblée nationale. Voici plusieurs mesures dont il a été question dans la presse :
L’intéressement et la participation encouragés
La Française des jeux et le groupe ADP privatisés
Le nombre de salariés dans les conseils d’administration revu à la hausse
Les investissements étrangers plus encadrés
Une certification facultative pour les cryptomonnaies……
On voit que le « bien-vivre » n’est pas au centre du projet et c’est dommage ! Le projet n’intègre pas non plus la préconisation du rapport Notat-Sénard, remis au gouvernement le 9 mars 2018, de reconnaître dans la loi le statut d’entreprise à mission (inspirés de la « SOCIÉTÉ À OBJET SOCIAL ÉTENDU » théorisée par des chercheurs de l’école des Mines), qui devrait, outre cette inscription dans ses statuts, se doter d’un comité d’impact, faire mesurer cet impact par un tiers et publier une déclaration de performance extra-financière.
Mais il prévoit bien de modifier l’article 1833 du Code civil « pour affirmer la nécessité pour les sociétés de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux inhérents à leur activité » ainsi que l’article 1835 du Code civil afin que « les sociétés puissent se doter d’une raison d’être dans leurs statuts ». Affaire à suivre tant qu’il n’y a pas eu adoption !
Notons que l’article 29 prévoit aussi de revoir la loi ESS sur la définition de l’utilité sociale et l’agrément ESUS. Il y aura peut-être aussi possibles des micro dons à l’ESS de la part des TPE.
HATCHUEL Armand, LEVILLAIN Kevin, SEGRESTIN Blanche, et VERNAC Stéphane, La « Société à Objet Social Étendu » Un nouveau statut pour l’entreprise, Presses des Mines, 2015, https://books.openedition.org/pressesmines/2343?lang=fr
A l’occasion du colloque « Alter Innovation : pas de transition environnementale sans transformation des représentations et des comportements de chacun », organisé par l’INSEEC à l’Assemblée Nationale le 26 novembre 2018, Marc Desforges et Camille Morel ont participé à la table-ronde « La démocratie est-elle soluble dans l’impératif écologique ? ». Aux côtés de Sarah El Hairy, députée de Loire Atlantique et Eric Pliez, président Samu Social de Paris et DG d’Aurore, nous avons expliqué nos partis et notre méthode pour une transition environnementale et citoyenne.
L’un de nos premiers projets de mobilisation citoyenne a été l’opération « Mon Pavillon et Moi » menée à Epinal entre 2015 et 2018, pilotée par Crois-Sens en collaboration avec l’agglomération, les communes de Chavelot et Thaon les Vosges, l’ALEC, … L’objectif était de former des groupements de propriétaires de maisons individuelles dans une commune, qui partageaient les mêmes attentes en matière de rénovation énergétique. Un accompagnement personnalisé et collectif par un agent de terrain local favorisait le regroupement des commandes ce qui permettait de réaliser des économies d’échelles tout en créant du lien entre les membres du groupe. Peu à peu, l’objectif était de monter d’autres projets collectifs : des groupes de marche, des marchés de producteurs… Ce retour d’expérience nous a été précieux pour forger et améliorer une méthodologie de participation efficace.
En effet, deux méthodes existent pour réussir une transition qu’elle soit écologique, sociale, économique… :
soit top-down, impulsée par les élus, règlementaire, contraignante (passe souvent par la fiscalité donc souvent perçue comme « punitive »)
soit bottom-up, en cherchant à accompagner les citoyens en travaillant sur la demande, les usages et pratiques et sur leurs représentations et habitudes quotidiennes
La bonne nouvelle : les 2 méthodes sont complémentaires et doivent être utilisées pour repenser la transition environnementale. Crois/Sens ne remet pas en cause le pouvoir et le rôle des élus mais parie davantage sur l’implication citoyenne comme moteur d’un changement plus rapide et efficace. La méthode bottom-up que nous avons mise au point permet par une approche partant de l’engagement citoyen, de les impliquer dans l’action et d’en faire les acteurs locaux d’une transition plus légitime et mieux réussie. La capacité d’agir est la clé.
Quand des taxes ou réglementations sont imposées sans concertation et sans explication « par le haut », les citoyens ne les comprennent pas, y sont réfractaires, voire ne peuvent les appliquer car la fiscalité n’est pas adaptée à des modes de vie individuel et collectif qui n’ont pas encore effectué cette transition qui touche toutes les sphères (professionnelle, logement, énergie, santé, alimentation…). La transition doit se faire progressivement et globalement, de manière transversale. La justice environnementale va de pair avec la justice sociale.
Défis à relever : Notre première expérience, et celles que l’on mène depuis (ainsi que la littérature scientifique), montrent une grande difficulté des citoyens à s’engager dans des processus innovants par manque de confiance, de temps, d’intérêt face à une offre compliquée et multiple. Il faut trouver des nouvelles manières les moins brutales possibles pour les accompagner dans cette transition :
Faire le pari du collectif pour trouver des réponses individuelles: à plusieurs, on va plus vite plus loin
Passer du temps à débattre pour trouver un sens commun avant de se mettre en action et pouvoir créer du collectif. L’opération MPEM nous a fait prendre conscience de l’importance de garder une forme d’échanges et de débats tout au long du projet pour éviter qu’une fois le projet initial terminé, les groupements se disloquent et repartent vers des actions/intérêts individuels
Commencer par des thématiques sur lesquelles les citoyens ont le sentiment d’avoir du pouvoir d’agir et d’avoir des retours individuels. L’expérience MPEM, issue d’un premier débat en 2015 à Epinal sur les conditions du bien-vivre, nous a appris que si la thématique qui avait été choisie au départ par les habitants était la rénovation, ils cherchaient des réponses immédiates à leurs besoins. Il nous apparaît donc maintenant essentiel de commencer par une thématique plus proche des citoyens : la santé, via l’alimentation et l’activité sportive. On s’intéresse à la santé globale qui vise à améliorer l’ensemble des conditions de vie : la santé physique mais également psychique, son insertion sociale, sa capacité d’agir, son impact environnemental, … Une fois les citoyens mobilisés autour d’un sujet, ils pourront être sensibilisés à des thématiques pour lesquelles la transition se fera à plus long terme : rénovation énergétique, mobilité, …
Notre proposition : cette méthode en trois temps (inform’action : temps du débat, cré’action : temps de l’expérimentation ; activ’action : déploiement) peut s’adapter à tous les domaines de la transition environnementale afin d’accompagner les citoyens dans le changement de leur pratiques et représentations. L’objectif est de partir de leurs habitudes, valeurs et besoins pour construire ensemble des projets accessibles à partir des ressources locales. Pour les accompagner dans cette transition environnementale, nous avons conçu un nouveau métier : « Entrepreneur du bien-vivre », un agent de terrain formé par Crois/Sens à l’animation du territoire, à l’identification et l’accompagnement de projets porteur de sens. Une première promotion de 4 personnes a eu lieu en 2018 qui poursuivent leur formation avant de s’immerger dans les territoires dans lesquels elles ont envie de s’investir et se sentent légitimes. Une deuxième formation sera lancée en 2019 afin de former de nouveaux EBV capables d’intervenir et de s’adapter sur chaque territoire.
L’engagement des citoyens dans une véritable transition durable ne va pas de soi, il leur faut du temps et surtout comprendre le sens de ce qui leur est demandé : ils ont un rôle à jouer dans cette transition ! La formation de personnes capables d’accompagner les citoyens dans les problématiques qu’ils rencontrent dans chaque territoire est l’une des clés de la réussite.
En conclusion, il y a besoin d’une réorganisation globale du système de décision et d’action/une rupture systémique, notamment en redéfinissant le rôle de l’élu dans le système d’acteurs qui doit guider et orienter (en donnant l’exemple) sans être le censeur. Les Entrepreneurs du bien-Vivre, en jouant le rôle de tiers, fluidifient cette transition, s’assurent que tout le monde y participe à la hauteur de ses moyens mais qu’elle n’accentue pas l’injustice socio-spatiale. Enfin, le citoyen redevient le moteur de la démocratie, celui qui impulse et affirme ses choix de société, en les mettant en pratique quotidiennement pour une transition volontaire et non subie.
Camille Morel et Sebastien Poulain, chargés de recherche de Crois-sens, participent le 15 novembre 2018 à un colloque sur les effets des réseaux sur les territoires à Grenoble.
Marc Desforges et Camille Morel sont invités à l’Assemblée nationale le 26 novembre 2018 pour parler de « mobilisation citoyenne et nouvelles formes de participation » dans le cadre de la transition écologique, énergétique, environnementale… lors d’un colloque intitulé : « L’alter innovation Pas de transition environnementale sans transformation des représentations et des comportements de chacun »
Lors de la deuxième partie du séminaire SmartCitizens, David Courpasson, professeur de sociologie à l’Em Lyon, et Eric Ghiglione, doctorant à l’Em Lyon, nous ont parlé du rôle des nouvelles communautés de travail et des formes de savoirs partagés (type Wikipedia) dans l’innovation sociale.