Le facilitateur d’une économie locale !
Nous insistions dans notre précédente tribune sur la nécessité d’un changement de posture complet de la part des élus et des entreprises, acteurs incontournables de la rupture organisationnelle nécessaire à la mise en œuvre d’une co-innovation réussie.
Nous reviendrons sur ces idées mais nous nous attardons à présent sur le rôle d’un nouvel acteur incontournable d’après nous : les entrepreneurs du bien-vivre. Précurseurs d’une nouvelle profession, Crois/Sens a donné à ces agents de terrain la mission de mettre en mouvement l’énergie citoyenne dans les territoires. En effet, l’échec des dispositifs participatifs traditionnels et la montée de l’abstention montrent la nécessité de passer par des tiers de confiance pour mobiliser les citoyens d’un territoire. L’élection ne suffit plus pour mettre en œuvre une démocratie qui soit participative. Le sentiment d’exclusion grandissant chez une partie de la population rend la réaction urgente. Même si le maire reste l’élu en lequel les français ont le plus confiance[1], il manque un interlocuteur privilégié pour inciter les citoyens à (faire) partager leurs idées et amorcer des solutions innovantes, bénéfiques à l’ensemble de leur territoire: l’entrepreneur du bien-vivre.
C’est pourquoi nous avons recruté cinq entrepreneurs du bien-vivre dont la mission est ambitieuse : faire émerger l’énergie citoyenne qui doit être à l’origine de tout processus d’innovation territorial. Il ne s’agit pas d’une action ayant pour vocation de se substituer à l’action publique mais bien d’en être complémentaire dans une logique partenariale : les entrepreneurs du bien-vivre s’appuieront sur des tiers de confiance que sont les élus locaux mais également sur les acteurs précurseurs. Ils créeront du lien entre les différents pôles/piliers d’innovation du territoire : grandes entreprises, start-ups, monde associatif… Bien-sûr, l’identification, la remontée et la recherche de réponses aux attentes citoyennes seront l’objet principal de leur action et c’est d’abord auprès des citoyens qu’ils œuvreront.
Dotés de moyens (temps, énergie, savoir-faire), ces entrepreneurs du bien-vivre sont chargés de faire le lien entre les besoins individuels et la mise en commun de solutions collectives. Pour cela, ils bénéficieront d’une double formation. Adossés à une première phase d’immersion dédiée au montage d’un festival participatif (Utopic & Co), ils développeront d’une part une compétence en mobilisation citoyenne qui sera précieuse à l’heure où les initiatives locales se multiplient à Mirecourt et les habitants regorgent d’idées. D’autre part, ils bénéficieront d’une formation en naturopathie qui leur donnera les clés générales pour promouvoir une bonne hygiène de vie et proposer des conseils personnalisés aux personnes rencontrées; les motivant ainsi à faire attention à eux et aux autres.
Le niveau d’attente des habitants, non pas dans une attitude passive mais plutôt en termes d’espoir suscité par l’arrivée de ces entrepreneurs du bien-vivre, démontre un état d’esprit propice à l’éclosion d’initiatives locales. Reste donc à les faire germer, les canaliser et les mettre en œuvre.
La richesse et la pluralité des candidatures reçues a prouvé l’intérêt de la jeune génération pour ce nouveau type d’emploi porteur de sens d’un point de vue professionnel et sociétal. En effet, le niveau de formation de plus en plus élevé ne garantit plus d’accéder à un emploi épanouissant et l’exigence de l’utilité sociale d’un emploi se fait de plus en plus pressante chez les niveaux diplômés. En ce sens, cela correspond bien au besoin que nous avons identifié chez les citoyens d’être accompagnés dans le montage de projets par des acteurs qui partagent les mêmes valeurs et objectifs. Ces intermédiaires ont tous les capacités et la légitimité pour jouer ce rôle. Cette profession émergente est appelée à devenir le pilier de la nouvelle dynamique collective que nous appelons de nos vœux.
Suivis et accompagnés par les chercheurs du collectif Smartcitizen d’un point de vue ethnographique et des sciences de la participation, ces jeunes recrues mettront à profit les apports de la recherche actuelle dans leur territoire respectif. Dans un aller-retour permanent entre terrain et théorie, le pari du collectif est la contribution de tous les acteurs afin de construire au niveau national un schéma d’innovation plus inclusif. Par la globalité et la mise en commun des expériences, l’objectif est de parvenir à la formalisation d’une méthodologie de la mobilisation citoyenne globale mais adaptée aux problématiques de chaque territoire : c’est là tout le sens du « protocole » Crois-Sens (sur le modèle de la médecine et de la naturopathie où la posologie est adaptée aux maux du patient).
L’arrivée des entrepreneurs du bien-vivre dans les territoires promet une nouvelle dynamique pour la co-innovation. Faisons-en sorte que leur présence rende possible les utopies qui germent dans tous les territoires !
Ici la notre tribune sous forme de pdf
[1] 67 % des Français placent en effet le maire largement en tête devant les autres élus locaux d’après l’enquête « fractures françaises » réalisée par l’institut Ipsos pour Le Monde, la Fondation Jean Jaurès et Sciences Po.
Pour mieux comprendre notre démarche :
CLERGEAU Christophe, DESFORGES Marc et GILLI Fréderic (Collectif Smartcitizens), Tribune « Pour un droit à la co-innovation », crois-sens.org, 17/05/2017, https://crois-sens.org/wp-content/uploads/2018/09/Tribune-collectif-Smartcitizens-Pour-un-droit-à-la-co-innovation-mai-2017.pdf
CORDOBA Vanessa, DESFORGES Marc et GILLI Fréderic, Territoires et innovation, volume 17, Travaux (Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires), volume 17, La Documentation française, Collection Travaux / DATAR, Paris, 2013, 107 pages, https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb436436720.public
Festival Utopic & Co du 4 au 8 juillet 2018 à Mirecourt : https://www.facebook.com/utopicandco/
Marc Desforges
Président de Crois-sens.org et expert territoire et innovation